A l’heure où beaucoup voudraient nous faire avaler que l’antisionisme est de l’antisémitisme allant même jusqu’à vouloir légiférer l’amalgame, à l’heure où reprennent de façon intensive les bombardements meurtriers, à heure des élections législatives en Israël où Netanyahou reconduit veut faire disparaître la Palestine de la carte en annexant les territoires palestiniens de Cisjordanie, il me semble important de rendre compte de deux événements dans lesquels s’est impliquée la FSU. Tout d’abord, une délégation de militant.es de différents syndicats d’Île-de-France (FSU, CGT, FO, Solidaires), et militants d’associations (le DAL, France-Palestine, RESF) s’est rendue en Palestine fin octobre et début novembre dernier. Les femmes et les hommes que nous avons rencontré.es nous ont demandé de témoigner de leur condition et de leur lutte pour exister en tant que Palestiniens. Ensuite, une délégation paritaire de syndicalistes indépendant.es palestiniens (GFIU) a participé à une soirée d’échange avec les militants associatifs et syndicaux. A Paris ou en Palestine, ce qui prédomine c’est la sensation d’oppression, la police armée, le mur, les miradors, les barbelés, les check -points… Tous les témoignages sont sur le site internet de la FSU 94.

A Hébron, dans la mosquée lors de la prière du vendredi, un vieillard palestinien courbé sur sa canne est braqué par une jeune soldate israélienne prête à tirer. Sur une route notre minibus est stoppé : une trentaine de colons se promène drapeau israélien au vent précédés et suivis d’une voiture de police, d’une jeep de l’armée. Un soldat arme au poing tous les 10 mètres.

Besma est infirmière et ambulancière à Jérusalem. Elle a mis fin à ses études pour apporter des soins dans les camps de réfugié.es. Son frère et sa sœur ont été gravement blessé.es par des balles explosives lors de la première intifada. Pour exercer, elle a dû obtenir une certification, accessible seulement aux Israélien.nes ou aux Palestinien.nes possédant la carte de résident.e de Jérusalem. Elle fut la seule Palestinienne de sa promotion à décrocher ce fameux sésame. Les Palestinien.nes ont développé leur propre système d’urgences car en cas d’affrontements, les ambulances israéliennes mettent beaucoup de temps à arriver, avec souvent des militaires à leur bord, et le risque pour les militant.es est de finir en prison. Originaire de Bethléem, Besma obtient une carte de résidente à Jérusalem après son mariage. Elle fait partie de la minorité (14%) des femmes palestiniennes officiellement actives bien qu’elles soient très nombreuses à travailler dans le secteur informel. Avec ses collègues, elle se battent pour assurer leurs interventions, régulièrement empêchées par la police. En 2017, les soldats viennent confisquer le corps d’un martyr décédé à l’hôpital palestinien situé sur le Mont des oliviers. Besma s’interpose, est frappée dans le dos, trois vertèbres touchées. Le corps a pu être conservé et enterré par les Palestinien.nes. Le droit à la santé et à la sécurité n’existe pas pour cette partie de la population.

Dua’a, enseignante, nous explique que militer syndicalement en Cisjordanie est particulièrement difficile. L’autorité palestinienne freine la création des syndicats sur les lieux de travail. L’enjeu pour elle est avant tout de mobiliser les jeunes pour la liberté d’expression et les droits syndicaux. 80% des travailleur-es palestinien.nes travaillent sans que la loi du travail ne leur soit applicable. Les patrons ne déclarent que neuf jours d’exercice par mois pour rester en dessous du minimum exigible et ne pas verser les cotisations. Ces cotisations ne sont d’ailleurs pas reversées aux travailleur.ses, mais confisquées par le principal syndicat israélien Histadrout. Il est obligatoire d’y d’adhérer et de lui verser 1% de son salaire, sans aucune contrepartie pour les Palestinien.nes. 36% gagnent moins que le salaire minimum déjà très insuffisant pour vivre dignement. 26% de la population est au chômage en Cisjordanie, 60% à Gaza. Celles et ceux qui travaillent de l’autre côté du mur doivent payer jusqu’à 900 shekels à la mafia qui délivre les permis et attendre des heures aux check-points et pour travailler côté israélien.

« Vivre en Palestine, c’est lutter chaque jour pour y rester »

Ibrahim, président de l’association des producteurs agricoles de la région de Bethléem, est confronté aux colons qui détruisent son matériel ou se baignent nus dans ses bassins d’irrigation. Ils ont construit d’immenses cités-dortoirs sur les collines qui encerclent la vallée où poussent ses oliviers. Les paysan.nes doivent se battre pour l’accès à l’eau que s’octroient les colons. Les colonies sont desservies en eau courante, alors que les Palestinien.nes doivent être pourvus de réservoirs sur les toits pour stocker l’eau fournie avec parcimonie quelques heures toutes les 3 semaines !

Ayet Tamimi est l’une de ces Palestinien.nes qui lutte pour conserver son village. La détermination se lit dans son regard. Elle est connue pour avoir giflé un soldat dans la cour de sa maison et a fêté son 17ème anniversaire en prison. Son village Nabi Saleh fait face au harcèlement permanent des colons et de l’armée. Résultat, de nombreux blessé.es, voire des morts parmi les enfants.

Impossible de livrer les témoignages de tous les militant.es, israélien.nes ou palestinien.nes, qui nous ont reçu, comme Eléonore Bronstein, responsable de la gauche antisioniste israélienne ou Amar Barghoutin de BDS. Mais toutes et tous ont dénoncé la politique d’apartheid qui discrimine une population, certains responsables politiques visant le nettoyage ethnique pour la conquête du «grand Israël ».

Au cours de la soirée d’accueil à Paris, les membres de la délégations en lutte pour la justice sociale et en résistance contre la violence de l’occupation coloniale israélienne nous confirment à l’unanimité les difficulté de leurs conditions de travail sous cette occupation. Ils évoquent le mépris des droits les plus élémentaires d’accès à l’eau, à l’électricité, aux soins. 80 % de la population de Gaza na pas la sécurité alimentaire. L’attente aux check points pour les travailleur.se.s de 4 à 5 heures quotidienne et occasionne des blessés voir des morts. Israël impose le type et le lieu de travail. Les « chanceux » qui ont leur permis donnent 30 % de leur salaires au «marchands ». Les syndicalistes évoquent les expulsions des familles palestiniennes et les confiscations irréversibles de territoires, la judaïsation de l’enseignement, l’épuration des programmes d’enseignement palestiniens…

Cela n’empêche en rien – bien au contraire – la prise de conscience et la révolte des jeunes qui ont toujours vécu l’occupation, sont né.e.s dans les camps avec l’omniprésence de l’armée qui vient et arrête n’importe qui et n’importe quand à l’intérieur même du domicile. Ils sont même comme la jeune Ayet Tamimi beaucoup plus dynamiques et virulents que les générations précédentes. Il faudrait des pages et des pages, pour rendre compte de leurs témoignages de l’injustice, de l’oppression, de l’apartheid subi au quotidien par ces femmes et ces hommes fier.e.s de leur résistance pour défendre leur terre palestinienne avec une chaleureuse joie de vivre.

« Ce n’est pas un problème religieux »

Malgré les difficultés nos interlocuteurs.trices, n’en déplaise au gouvernement français et à tous les lanceurs de haine, ont été très clairs : leur combat ne vise pas les Juifs, ce n’est pas un problème religieux. Leur combat, elles et ils le mènent contre le sionisme en tant qu’idéologie engendrant cette politique coloniale et raciste qui entraîne peu à peu la destruction irréversible de la Palestine et de ses habitant.es palestinien.nes. Ce qu’elles et ils veulent c’est le droit à la dignité des Palestinien.nes, c’est être considéré.es comme des êtres humains.

Pour cela ils comptent sur notre soutien pour faire connaître et diffuser leur lutte. Soutenir la Palestine c’est soutenir le droit à la dignité dans le monde !

Pierre Lafrance